vendredi 3 mars 2017

Storia di una capinera (Histoire d'une fauvette), Giovanni Verga

Bonjour à tous ! Me revoici avec un petit classique de la littérature étrangère cette fois, juste pour le plaisir de s'ouvrir à d'autres cultures ! Je l'ai lu en VO mais il est aussi disponible en version française. Je vis maintenant me laisser aller au plaisir de vous présenter ce roman que j'ai adoré.



Fiche technique :
Titre original : Storia di una capinera
Titre français : Histoire d'une fauvette
Auteur : Giovanni Verga
Édition : Simplicissimus Book Farm Srl en VO (ebook) et Faligi Editore en français
Publication : 2011 en VO, 2013 en FR (édition originale de 1871)
Prix ebook : gratuit (version VO), 6,99€ (version FR)


Résumé : 

Catane, 1854. Une épidémie de choléra ravage la ville. Les novices du couvent sont renvoyées dans leurs familles. Parmi elles, Maria, une jeune fille d'une vingtaine d'années qui rejoint son père, un modeste employé remarié à la mort de sa mère à une femme aisée avec laquelle il a eu une autre fille et un fils. Ils se rendent à la campagne, à Monte Ilice, où Maria découvre la vie hors du couvent - c'est-à-dire, plus ou moins, la vie tout court. Surtout, c'est dans cet environnement champêtre qu'elle voit naître en elle des sentiments amoureux pour le jeune Nino, fils des voisins. Mais Maria, pauvre et sans défense, est promise à Dieu : elle doit devenir nonne. Alors que son cœur s'ouvre à l'amour terrestre, la culpabilité du péché la dévore. Sur quoi cette tension tragique débouchera-t-elle ? A vous de le découvrir...

Ma note : 19/20

Les + : une histoire magnifique, pleine d'émotion, l'écriture de Verga, le personnage de Maria, le dépaysement spatio-temporel.
Les - : je ne vois pas de véritable point négatif, je n'ai qu'un conseil à donner : à ne pas lire quand on est déprimé.


Un avis un peu plus approfondi, pour ceux qui voudraient en savoir davantage : 

Storia di una capinera est un roman épistolaire qui apparaît comme une sorte de long monologue de Maria, la jeune héroïne. Dans ses lettres adressées à Marianna, amie qu'elle s'est faite au couvent, la jeune fille confie tout: ses découvertes, ses pensées, ses émotions, ses déchirements. Enfermée au couvent depuis ses sept ans, elle pose un regard innocent et un peu naïf sur tout ce qui l'entoure. Elle est comme une enfant, et c'est une pureté singulière qui se dégage de ses observations.

Quelques mots sur l'auteur : Giovanni Verga est un auteur sicilien dont l’œuvre s'étale sur la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle. On le rattache principalement au vérisme, dérivé du naturalisme français.

Comme je n'ai pas pu m'empêcher de vous le confier dès l'introduction, j'ai adoré ce roman. Je l'ai trouvé magnifique à tous points de vue. Pour commencer, l'introduction de Verga annonce la couleur. Il plonge tout de suite le lecteur dans son thème en lui racontant l'histoire d'une petite fauvette qui, enfermée dans une cage, regarde le ciel sans pouvoir jamais l'atteindre et se laisse mourir de chagrin. Introduction à la fois poétique et percutante à laquelle j'ai été très sensible. Il est vrai que la liberté est un thème que je trouve particulièrement beau à traiter. Ici, Verga l'a fait avec brio. Il m'a même arraché quelques larmes (oui, dès les premières pages !).

Mais la beauté de l’œuvre ne se limite pas à ces quelques pages. Le lecteur réapprend, avec le personnage, à regarder avec un œil d'enfant ce qui l'entoure. Maria décrit de façon simple et vraie les paysages qu'elle avait oubliés au cours des longues années passées recluse au couvent, la beauté d'une fleur, du papillon qui vole dans le vent, la douceur du chant des oiseaux, des rayons de soleil qui caresse la peau... Elle nous rappelle à ces plaisirs simples que notre société nous pousse parfois à oublier. A cette beauté de la nature que, par habitude, nous ne voyons parfois plus.

Mais l'histoire de Maria nous replonge aussi dans nos premières amours: elle tombe amoureuse de Nino, le fils des voisins. Si cet amour est partagé, elle ne peut pourtant se permettre d'y songer car son avenir est déjà tracé: elle sera nonne. Persuadée de pécher par ses sentiments, sa culpabilité ne cesse de s'accroître car elle n'a le droit d'aimer que Dieu. Une fois le choléra passé, elle retourne au couvent. Mais ni la séparation ni le temps ne lui permettent d'oublier Nino, qu'elle semble aimer de plus en plus. En vérité, son amour pour ce garçon auquel elle s'accroche désespérément est l'interdiction suprême, qui surpasse les innombrables autres interdictions auxquelles elle se voit soumise au couvent. Il semble ainsi symboliser la liberté qui devient hors d'atteinte et avec elle le bonheur, qui sont ici intimement liés : en perdant cet amour, c'est sa liberté qui s'envole. Plus, c'est la vie elle-même. Car la découverte de l'amour et de ses élans est l'essence même de la jeunesse, de la vie. Son renoncement se catalyse sur cet amour perdu: en acceptant d'y renoncer, elle passe du côté des morts (au cours de la cérémonie des vœux) et ne vit plus que comme une sorte de morte-vivante. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Malade, elle se fane peu à peu comme une fleur privée de lumière, et plane sur elle à chaque instant l'ombre du tombeau. La deuxième partie de l’œuvre est une lente descente aux enfers, une implacable descente au tombeau.

L’œuvre comprend une dichotomie tragique entre la vie et la mort. D'un côté, la vie est symbolisée par l'amour, la nature, la liberté, la lumière, en clair, tout ce que Dieu a créé de beau; de l'autre, le couvent représente la mort, où les nonnes semblent autant de mortes-vivantes déjà dans leur tombeau, et pour cause : privé de lumière, le couvent n'abrite que des êtres pâles et est plongé dans le silence et la tristesse. Cet endroit apparaît contre-nature, Maria le proclame: on y prie Dieu, sans jamais pouvoir profiter de toutes les merveilles qu'il a lui-même créées. Ce renoncement à la vie peut conduire à la folie, comme le laisse entendre le personnage de sœur Agata. Cela nous mène à des envolées lyriques qui s'amplifient au fil des pages, mais qui n'alourdissent pas un texte auquel on croit, car tout semble réel: ce que pense Maria, ce qu'elle ressent et, malgré l'éloignement temporel, on s'attache et l'on s'identifie au personnage tout naturellement, comme si elle était notre amie. Car celle dont on suit l'histoire, on finit par la connaître et, en la connaissant, on ne peut que l'aimer. C'est pourquoi, je l'avoue, j'ai moi-aussi pleuré avec elle.

Ce livre m'a fait l'effet d'une ode à la liberté et à la vie dont on ne ressort pas indemne. Mais il s'agit surtout pour Verga de voir si l'être humain peut vaincre son destin... ou pas. Je ne vous en dirai pas davantage sur ce thème central pour vous éviter les spoilers. Même si le contexte est celui d'une autre époque, le thème est toujours valable aujourd'hui, bien que les prisons et obstacles aient changé de forme. Un petit bijou à lire, mais je dirais presque une expérience à vivre. Un coup de cœur !


Pour qui ? Ce livre est un classique adapté à plusieurs profils. Les adultes, hommes et femmes, pourront l'apprécier pourvu qu'ils aiment les lectures inspiratrices d'émotions. Côté ado, je pense qu'il est davantage adapté aux filles, qui pourront s'identifier ou du moins comprendre la jeune protagoniste.


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