dimanche 17 février 2019

Dans un jardin...

 On sort, mamie ?

J'ouvris la porte-fenêtre de l'appartement, celle qui menait au jardin de la résidence. La main dans celle de ma petite-fille, je fis un premier pas dehors. Je saluai ma voisine qui rentrait chez elle, un sourire poli aux lèvres. Nous descendîmes ensemble, ma petite-fille et moi, les quelques marches qui nous séparaient du jardin, cette longue étendue verte qui s'offrait à nous.

Je m'assis sur un banc, l'enfant à mes côtés, et contemplai quelques instants le rouge flamboyant du ciel. L'air était chaud, très chaud, si chaud qu'il brûlait ma peau.

 Je peux aller jouer mamie ?
 Bien sûr, vas-y ma chérie.

Elle se leva et je la regardai s'éloigner avec un pincement au cœur. Pleine de jeunesse et d'innocence, elle gambadait sans avoir conscience des problèmes qui l'entouraient. Un jour, elle s'en rendrait compte. Mais je me rassurai un peu, certaine que jamais elle n'en souffrirait comme j'en souffrais moi-même.

Maintenant seule sur mon banc, je me laissai aller à de doux souvenirs en l'observant jouer. Que l'air était chaud ! Je fermai les yeux et rêvai la caresse fraîche du vent sur mon visage. Transportée des années en arrière, il me semblait que le ciel au-dessus de ma tête était toujours bleu, que le soleil était encore d'une chaude couleur dorée, qu'il m'était possible d'enfoncer les doigts dans l'herbe où perlait la rosée...

Mais, je le savais, jamais plus cela ne serait possible. Ma petite-fille ne connaîtrait jamais que ce ciel rouge, sanglant, étouffant, et pour jardin que ce vert uniforme, pâle imitation de l'herbe qui couvrait encore les parcs cinquante ans plus tôt.

Je parcourus d'un regard triste les briques rouges de la façade de la résidence, qui se fondaient avec les briques teintes en vert du jardin où jouait ma petite-fille. Elle ne connaîtrait jamais la douceur de jouer dans un tapis de verdure, de tomber sur son épaisseur protectrice en courant et de toujours se relever, les mains juste un peu verdies, sans une égratignure.

Rien de cela n'arriverait jamais plus, et c'était notre faute. Nous n'y avions pas cru, nous avions repoussé sans cesse l'échéance. Désormais, il était trop tard. On ne pourrait revenir en arrière. Ma petite-fille courut vers moi en riant. Je la pris dans mes bras. Une larme m'échappa, qui ne ramènerait jamais l'étendue des trésors que nous avions ravis à nos enfants.

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